Se rendre au contenu

Devenir puéricultrice

Deuxième et dernière partie

(PARTIE 1)

​Essayant de garder en tête toute la progression effectuée en quatre ans de formation, ainsi que le bonheur ressenti au contact des enfants, je me résignai à rester. Mais commencer ce travail en étant si mal psychologiquement m’a fait m’oublier. J’ai annihilé mes moindres besoins au profit d’être la meilleure puéricultrice que je pouvais être. Je me devais de remplir toutes mes missions journalières, de ne rien oublier, de ne surtout jamais faire d’erreur, d’être une épaule sur laquelle les enfants et les parents pouvaient pleurer, être quelqu’un sur qui mes collègues pouvaient toujours compter. Une pression phénoménale.

​Et puis un an et demi après avoir débuté ce travail, mon corps s’est effondré, littéralement, en pleine garde, avec encore dix patients en salle d’attente des urgences. Pour la première fois, j’ai failli. Je ne sais même pas comment j’ai pu terminer ma garde de nuit cet été-là, mais ce fut la dernière avant un long moment. Je devais être trois semaines en vacances juste après et je n’ai pas été capable de revenir travailler ensuite. J’ai débuté pour la première fois de ma vie après plus de dix ans de dépression dans le silence une thérapie médicamenteuse, complétée par une psychothérapie.

 

​C’est ce moment précis qu’à choisi mon ex fiancé pour me quitter, après trois ans de malheur refoulé, quatre mois avant notre mariage présumé.

 

​Ceci fut le moment le plus violent, encore à ce jour. J’avais failli dans ce travail que j’ai toujours rêvé d’avoir et une énième personne censée rester avec moi pour la vie m’avait abandonnée. Cette personne pour laquelle j’étais restée alors même que j’avais décidé depuis longtemps de partir après mon deuxième diplôme. Tout cela confirmait que je ne devais pas être là, que je n’aurais jamais dû naître.

 

 

​Et puis, le soutien dont j’ai bénéficié au travail et mes vielles amies m’ont aidée à remonter la pente. Comment précisément, je ne l'explique toujours pas. Tout ce que je sais est que cela a marqué un tournant dans ma vie. Pour la première fois, je décidais pour moi-même de rester. Même plus que cela, je décidais d’arrêter de survivre et d’enfin faire tout ce qui était en mon pouvoir pour être heureuse, vivre vraiment. C’est l’année où je suis partie en Ecosse, celle où j’ai publié mon premier livre et donc l’année où Wilaukee S. est née. Je suis devenue une « personnalité publique » – ce qui n’a rien à voir avec le niveau de notoriété. Ce simple fait est symboliquement fort car je ne me cache plus dans mon trou de souris dans lequel j’étais si confortable. L’écriture est mon moyen de parler plus fort et je l’assume désormais. Plus que cela d’ailleurs, j’assume mes deux vocations pleinement car je me rends compte que j’ai besoin des deux pour vivre. Lorsque l’une devient difficile à gérer, l’autre vient apporter l’équilibre dont je ne savais pas avoir besoin.

 

​A la petite moi qui ne voyait que par les autres enfants étant moi-même en souffrance. Je peux dire maintenant après vingt-six ans, que depuis le début se cachait deux rêves dont l’un était inconscient mais que j’ai fini par réaliser avec le temps. Si j’étais bancale avant, je sais ce qui me rend stable aujourd’hui, ce qui me rend complètement moi. En effet, j’avais aussi besoin de me soigner, me protéger et me voir grandir. C’est ce que l’écriture m’apporte, entre autres bienfaits, même si le but désormais est d’apporter aussi cela à d’autres.


​Suis-je pour autant guérie de ma dépression ? Malheureusement non, et depuis cette année fatidique, j’ai eu plusieurs faux espoirs de rémission. Mais ce que je retiens malgré tout et que je suis toujours debout, et que je me battrai jusqu’au bout.


Wilaukee S.

Wilaukee S. 28 janvier 2025
Partager cet article
Devenir puéricultrice
Première partie