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Devenir puéricultrice

Première partie

​Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours été proche des plus jeunes que moi. On peut me voir sur des photos à cinq ans, ne lâchant pas du regard le nouveau bébé de la famille. Je rêvais d’être nounou, tata, de prendre soin des petits. Ce désir a pris plusieurs formes puisque étant petite sœur, j’ai suivi un temps mon aînée qui voulait être institutrice. Après tout, c’est avec les enfants. Puis quand elle s’est éloignée de cela et a voulu être coiffeuse ou encore secrétaire, la suivre ne m’intéressait plus. J’avais une grande cousine qui s’occupait des enfants pour travail, en crèche ou en centre aéré. J’étais trop jeune pour comprendre en quoi cela consistait exactement et elle n’est malheureusement plus de ce monde aujourd’hui. Cependant, je me rappelle bien sa douceur naturelle et le fait que je m’amusais beaucoup avec elle étant enfant. Alors j’ai voulu être comme elle. Tellement que lorsque l’école a commencé vraiment – je n’étais plus en maternelle où selon les institutrices, je passais la moitié de mon temps dans les nuages et je travaillais bien seulement lorsque je l’avais décidé –, cette fois, c’était sérieux. J’avais un objectif.

​J’ai eu de très bons résultats à l’école, j’étais même vue comme une « intello » à partir du collège. D’ailleurs, j’étais partagée concernant ce surnom, à la fois il me rendait fière car cela prouvait que j’arriverais à mon but ; mais cela me distinguait des autres élèves, des groupes de filles populaires auxquelles j’aurais aimé appartenir. J’ai dû baisser mes notes pour pouvoir avoir un semblant de considération dans le groupe des belles filles de la classe.

​Qu’à cela ne tienne, en troisième, au forum des métiers, j’étais entrée tout heureuse dans la salle concernant le CAP petite enfance. J’en étais ressortie toute chamboulée. « Mais enfin jeune fille, vous n’allez pas aller en CAP avec 15 de moyenne ! Non, il faut aller en lycée général ». D’accord, mais pour y faire quoi ? J’avais passé dix ans à fantasmer d’un métier à la crèche comme ma cousine, j’y ai même fait mon stage de découverte cette même année et il n’a fait que confirmer ce rêve. Dès le lendemain, j’ai passé des heures sur le site de l’Onisep pour trouver ma voie avec les enfants depuis un bac général. J’ai découvert le métier d’infirmière, puis celui de puéricultrice, et là, ce fut une révélation. C’était cela que je cherchais depuis le début : soigner, protéger, voir grandir. C’était si évident désormais, ma décision était prise : je serais puéricultrice, quoiqu’il m’en coûte, quoiqu’il arrive.

 

​Mon chemin tout tracé, j’ai enchaîné les années lycée, puis les années d’école d’infirmière aisément d’un point de vue extérieur. En réalité, c’est lors de l’école d’infirmière que j’ai compris que je souffrais de dépression. J’y ai vécu mes pires années en termes de révélations et de souffrance. Car il a fallu faire semblant comme jamais auparavant. Car il fallait être là pour les patients, apprendre, s’améliorer, réussir même malgré tout. Mais ces années ont aussi été salvatrices, car il fallait s’occuper de l’Autre, car on comptait sur moi et je devenais utile.

​Absolument rien ne m’aurait empêcher d’obtenir mon diplôme. Je refusais même les sorties patinoires, j’ai appris à skier que bien après, par peur de me casser quelque chose et interrompre ma formation. Mon diplôme d’Etat d’infirmière est passé comme une lettre à la poste. Non pas car il ne m’importait pas, mais parce que j’étais déjà tournée vers l’école de puéricultrice, le boss final de mon objectif de vie à ce moment-là. Je voyais ce diplôme comme étant seulement un moyen pour arriver à mes fins. Néanmoins, il m’a donné une certaine légitimité qui m’a aidée dans l’ajustement de mon positionnement professionnel. Si au lycée, j’avais eu tendance avec le temps à faire de moins en moins mes devoirs, à réviser au dernier moment ; j’avais appris à mes dépens lors de ma formation initiale que cette méthode ne marcherait pas en études supérieures. En trois ans, j’avais acquis méthode et acharnement pour non seulement apprendre correctement mais aussi faire des liens et comprendre ce que je faisais. Je suis arrivée à l’école de puéricultrices forte de ces changements. 

​J’ai passé douze mois à travailler mes cours dès que la journée était finie, à m’assurer d’avoir bien compris ce que j’avais appris au fur et à mesure, pour être prête à en apprendre davantage le lendemain. J’ai passé douze mois à ne penser qu’à cela, les enfants, leur développement, les soins que je peux leur apporter en tant qu’infirmière puéricultrice.

​Tout cet investissement a payé puisque j’ai enfin obtenu mon diplôme d’état de puéricultrice à la fin de ces douze mois. Mais, à ma grande surprise, mon bonheur intense d’avoir atteint cet objectif s’est rapidement transformé en panique totale. Je ne savais plus quoi faire de ma vie. Je n’avais toujours eu qu’un seul désir, désir qui a eu le mérite de me sauver, de me donner une bonne raison de me lever le matin. Ma seule raison de vivre. Et maintenant, quoi ? Ma vie devait s’arrêter alors. Mais j’étais fiancée et j’avais malgré moi promis à mon compagnon que je ne me ferais plus de mal. Alors je devais continuer, je n’avais pas le choix. Mais comment allais-je faire pour être à la hauteur de ce rêve d’une vie ?


Wilaukee S.

(PARTIE 2)

Wilaukee S. 16 janvier 2025
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